Quatre siècles d'histoire
Les visitandines
Les sœurs de la Visitation Sainte-Marie prononcent des vœux solennels et vivent cloîtrées. La majorité d’entre elles sont issues de familles de l’aristocratie ou de la grande bourgeoisie qui versent une dot lors de «la prise d’habit» pour subvenir à leurs besoins. Les seuls contacts qu’elles conservent avec leur famille ont lieu à travers la grille du parloir, sous la surveillance des sœurs tourières.
Au milieu du XVIIIe siècle, le monastère de la Visitation de Sainte-Marie d’en-Haut compte soixante-dix religieuses. Coiffées d’un voile noir, elles revêtent le voile blanc lorsqu’elles travaillent à la cuisine, la lessive ou le jardin. Les sœurs tourières, chargées de recevoir par le tour le courrier ou les marchandises, ne prononcent pas de vœux.
Rythmé par la cloche, leur emploi du temps ne laisse aucune place à l’inactivité :
5h00 – Lever
5h30 – Prière dans le chœur
6h30 – Office de Prime
7h00 – Activités diverses
8h30 – Messe
10h00 – Repas au réfectoire et récréation jusqu'à midi
12h00 – Travaux divers en silence
14h00 – Lecture en cellule
15h00 – Vêpres
16h00 – Assemblée et travaux divers
17h00 – Complies et litanies
18h00 – Repas au réfectoire, récréation
20h30 – Matines et Laudes, examen de conscience
21h30 – Retour en cellule
22h00 – Coucher
La Révolution française
À la Révolution, comme tout établissement religieux, Sainte-Marie d’en-Haut devient bien national. Peu après le vote de la dissolution des congrégations, le 18 août 1792, les visitandines doivent abandonner leur couvent. 140 personnes « notoirement suspectes » pour leurs positions antirévolutionnaires, parmi lesquels Chérubin Beyle, le père de Stendhal, l’ébéniste Jean-François Hache, des pères chartreux et nombre de prêtres réfractaires, sont alors enfermés dans le monastère devenu prison.
Les sœurs du Sacré-Cœur
En 1804, Philippine Duchesne, ancienne visitandine, Madeleine-Sophie Barat, fondatrice de l’ordre du Sacré-Cœur et trois autres religieuses, s’installent dans le monastère. Elles consacrent leur temps à l’enseignement des jeunes filles et accueillent une soixantaine d’élèves. En 1815, Philippine Duchesne quitte Sainte-Marie d’en-Haut pour fonder de nouvelles maisons du Sacré-Cœur en Amérique du Nord. Elle sera canonisée en 1988.
En 1833, tandis que le génie militaire conduit sur la Bastille d’importants travaux de fortifications et multiplie les tirs de mine, les pouvoirs publics ferment le monastère par mesure de sécurité.
Les Ursulines
En 1851, le couvent de Sainte-Marie d’en-Haut abrite à nouveau un ordre enseignant, les ursulines, déjà installées à Grenoble. Après d’importants travaux, l’école religieuse reçoit des jeunes filles de bonne famille. Nul établissement ne peut offrir plus de garantie aux parents, ni plus d’agrément aux élèves signale un prospectus de 1869.
À l’instar de Lyon et de Marseille, les Grenoblois désirent leur Vierge protectrice « Notre-Dame d’en-Haut » . Une souscription est alors ouverte en 1890. L’architecte diocésain Alfred Berruyer, auteur de la basilique de La Salette, construit contre la chapelle une tour surmontée d’une statue de la Vierge en fonte dorée. Cet édifice, qui provoque de dangereuses lézardes dans la voûte de l’église et menace de s’effondrer, est démoli en 1935.
L'armée, les immigrés, la résistance
En 1904, peu avant la loi de « Séparation des Églises et de l’État », les ursulines sont définitivement expulsées. Le 16 avril 1905, le mobilier du couvent est disséminé dans une vente aux enchères publiques. De 1906 à 1920, l’armée loge jusqu'à 425 hommes de troupe dans l’ancien couvent.
En 1920, la Ville de Grenoble reprend possession de son bien. La crise du logement est alors aiguë, amplifiée par une immigration croissante. 150 familles d’origine italienne, provenant en majorité de Corato dans les Pouilles, s’installent dans ces bâtiments vétustes qui ne disposent que d’un seul point d’eau potable à la fontaine de la cour.
Pendant l’Occupation, des résistants profitent du plan complexe du couvent pour y trouver des caches sûres, imprimer des tracts et tenir des réunions. À la fin des années 1950, les familles qui occupent dans le couvent des logements reconnus insalubres, sont relogées par la Ville. Le bâtiment est ensuite investi pour quelques années par les étudiants de l’École d’Architecture de Grenoble.
Le Musée dauphinois
Au début des années 1960, tandis que le site de la Bastille est pressenti pour accueillir un vaste complexe universitaire, l’Association des Amis de l’Université propose d’aménager dans l’ancien monastère un centre culturel international. De cet ambitieux projet, seuls seront réalisés la cité universitaire du Rabot et les instituts de géologie et de géographie. C’est dans la perspective des jeux Olympiques d’hiver de 1968 que la municipalité Dubedout décide de restaurer le couvent pour y transférer le Musée dauphinois. Placés sous la direction de Pierre Lotte, architecte en chef des monuments historiques, les travaux commencés en janvier 1966 ne s’achèveront qu’en juin 1970.
Le 3 février 1968, alors que s’ouvrent les jeux Olympiques de Grenoble, le Musée dauphinois est inauguré dans ses nouveaux locaux par André Malraux, ministre de la Culture, qui inaugure ce même jour la Maison de la Culture. En 1992, le Musée dauphinois passe sous la tutelle du Conseil général de l'Isère (aujourd'hui le Département de l'Isère).