Entre fleuve et mer. Une histoire médiévale
Du 5Juil 2026 8nov 2026
Audience TOUT PUBLIC
Type Exposition temporaire
Garants de toutes les promesses et de miracles ou théâtre de tous les dangers, les fleuves et les mers font partie depuis les origines du quotidien des hommes et convoquent l’imaginaire. Voie de communication essentielle, trait d’union entre de nombreuses communautés, voie de circulation des marchandises, des hommes et des idées mais aussi de nombreux fléaux parmi les plus mortels d’entre eux, le fleuve fait aussi figure d’axe d’implantation privilégié des hommes depuis l’Antiquité. Il est aussi celui qui conduit vers cet ailleurs ultramarin longtemps redouté, balayé par les tempêtes, hanté par les monstres et les sirènes et que les hommes finiront par apprivoiser à défaut de le dompter. C’est cette histoire et cette relation intime entre fleuve et mer que la présente exposition propose d’aborder, et ce en quatre séquences : L’Homme et le Fleuve ; Naviguer et Commercer ; La circulation des idées et des arts ; Vivre et mourir entre fleuve et mer.
Cette nouvelle exposition est proposée dans le cadre de l’année thématique 2026 consacrée à l’eau et portée par le Département de l’Isère. 
L’HOMME ET LE FLEUVE
Le fleuve n’offre pas aux hommes que le poisson et l’eau. Source d’énergie inépuisable, il favorise l’activité économique : circulation des marchandises vers l’aval (le contre-courant exige une puissance autonome), des flottilles locales au flottage du bois et au transport au long cours) ; moulins sur berge ou moulins sur l’eau ; péages (ponts, bacs ou gués) ; ports urbains spécialisés (bois de chauffage, pierres de construction, productions agricoles) ; lavandières du bord de l’eau ; tanneries d’aval pour évacuer loin de la ville leur pollution au fil de l’eau ...
Le fleuve est créateur de civilisation, des techniques de construction dans l’eau (ponts, remparts, maisons …) à la culture des mariniers et aux imaginaires excités par les trésors fluviaux - l’or du Rhin -, les horizons lointains, en aval, et, en amont, les montagnes habitées de créatures surnaturelles. Il accueille des fêtes religieuses embarquées sur ses eaux (fête des Merveilles à Lyon) ou bien mène les cercueils confiés au Rhône jusqu’au fameux cimetière des Alyscamps, en Arles ... Le fleuve a développé le droit : droit de l’eau (dérivations, propriété des terrains créés par les courants, installation des moulins dont une trop grande proximité réduit la puissance du courant, champs en lanière étroite pour donner au plus grand nombre l’accès au fleuve …), droit de pêche, droits de franchissement du fleuve, droit international du fleuve-frontière …
Parfois spectaculaires, comme les inondations, les dangers du fleuve sont le plus souvent sournois. La mauvaise qualité de l’eau entraîne des épidémies. Les bateaux véhiculent les germes de maladie. Le gel des plus froids hivers privent les habitants de l’eau du fleuve et des marchandises vitales transportées par bateau. Les aménagements urbains des fleuves mobilisent d’énormes capitaux. Les ennemis peuvent investir la ville par le fleuve qui la traverse : des chaînes disposées chaque nuit entraveront leur navigation. Le fleuve, source de vie, source de mort.
Nicolas Reveyron
NAVIGUER ET COMMERCER
La navigation sur le Rhône, parfois effectuée par halage, s’effectue grâce à de nombreuses embarcations dont les dénominations – plus de cinquante – sont pléthore (entre autres, au XVe siècle, la barque, la barquette, la tirette, le carraton, la sapinière etc.). Celles-ci, dont certains exemples sont représentés – semble-t-il dès la fin du XIIe siècle – sous la forme de graffiti dans le cloître de l’abbaye de Montmajour à Arles, transportent différentes marchandises, du bois, des céréales et du sel parmi les principales. Le bois est par exemple utilisé pour la construction des édifices et des bateaux, ces derniers nécessitant un renouvellement régulier, environ tous les six ans. À partir du début du XIVe siècle, seul le sel camarguais, spécifiquement issu des salines du roi de France à Peccais près d’Aigues-Mortes et de celles du roi de Sicile, est par ailleurs « tiré » sur le fleuve, en direction des « hauts pays », du confluent de la Durance à Lyon. La navigation et le transport des denrées comme le sel nécessitent une organisation entrepreneuriale au sein d’un « viage » qui réunit de nombreux hommes aux compétences variées, entre autres des haleurs et des mariniers, des cordiers, forgerons et charpentiers etc. s’assurant du bon déroulement du convoiement.
Le fleuve constitue également une porte vers et depuis la Méditerranée, zone d’échanges par excellence entre l’Orient et l’Occident. Au XIIe-XIIIe siècle, par exemple, la Provence est connectée au port de Marseille qui s’avère une interface très importante avec la mer, rivalisant même avec la République de Gênes. À la fin du XVe siècle, c’est le célèbre navigateur Christophe Colomb, originaire de cette même ville ligure, qui, dépassant les simples frontières de la Méditerranée, ouvre la voie aux grandes découvertes et à de nouvelles interactions par-delà l’océan Atlantique.
Sylvain Demarthe
LA CIRCULATION DES HOMMES ET DES ARTS
Si le fleuve et l’axe rhodanien au sens large permettent la circulation de marchandises depuis la Méditerranée jusqu’aux régions plus septentrionales – et inversement –, ils facilitent aussi les échanges humains et intellectuels. Dans un manuscrit belge du XIIe siècle contenant des vite de saints (Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, ms. 8690-8702), deux folios rédigés tardivement dans les années 1260 exposent par exemple plusieurs itinéraires empruntés par un voyageur anonyme, dont un allant de Valenciennes à Avignon. L’auteur s’émerveille notamment devant Vienne et le château de Roquemaure, observe le mont Ventoux et les haleurs le long du fleuve etc. Ce témoignage fait écho aux hospitaliers de Saint-Antoine et à l’importance de la vallée du Rhône dans la construction de leur ordre.
Au-delà d’origines étroitement liées à l’abbaye arlésienne de Montmajour, c’est entre autres par les récits de pèlerins privilégiés que s’entrevoient les circulations au sein d’un territoire dont le Dauphiné – surtout dans sa partie occidentale – constitue un prolongement. Au XVe siècle, les allemands Sebastian Ilsung, Hans von Waltheym ou Hermann Künig von Vach passent à Saint-Antoine et décrivent les étapes de leur voyage par exemple à Arles ou Pont-Saint-Esprit. De nombreux hommes de l’art originaires d’Avignon sont aussi mentionnés dans la sphère du chantier de construction de l’abbatiale iséroise, notamment le maître d’œuvre Jean Roberti, les peintres Robin Favier et Jacques Iverny, ainsi que le sculpteur Antoine Le Moiturier.
Sylvain Demarthe
VIVRE ET MOURIR ENTRE FLEUVE ET MER
De nombreux récits font état des rapports complexes qu’entretiennent les hommes avec les sources, les rivières, les fleuves et les mers au Moyen Âge.
A l’image de la translation du corps de saint Antoine relatée par Pierre de Lanoy au XVe siècle, lequel décrit le voyage depuis Alexandrie par la mer tumultueuse et les multiples miracles visant à garantir la vie sauve à l’équipage, les textes hagiographiques abondent en récits miraculeux ou fantastiques. Face aux tempêtes en mer, aux crues des fleuves et aux dangers multiples personnifiés par une grande diversité de monstres et de dragons, – et dont la baleine de Jonas ou la tarasque domptée par Marthe incarnent à elles-seules les figures archétypales – les saints confrontés aux éléments endossent tour à tour le rôle de sauvé et de sauveur. La légende de saint Florent en est une brillante illustration en mettant en exergue les liens intrinsèques qui l’unissent aux fleuves. Sauvé d’une mort certaine par noyade, Florent triomphe des éléments lorsque la crue du Rhône manque de l’emporter ou qu’un dragon tapi dans les eaux marécageuses qui bordent la Loire menace la population. Ainsi les chroniques mentionnant les épopées de saints et de saintes sauroctones ou thaumaturges, les sources et les eaux miraculeuses, sont-elles légion. Elles entrent en résonance avec les épisodes de la vie du Christ, du baptême dans les eaux du Jourdain, de la marche sur les eaux en Galilée à la pêche miraculeuse dans le lac de Tibériade.
Si le fleuve et la mer sont des réceptacles d’abondance et de vie, ils sont aussi le lieu de toutes les tragédies. La noyade intentionnelle constitue l’un des châtiments toujours en cours au Moyen Âge, qu’elle se déroule en mer ou par immersion dans un fleuve ; la noyade accidentelle lorsqu’elle ne bénéficie pas de l’intervention divine est confrontée à toutes les superstitions liées à la crainte d’une mort sans sépulture et à l’errance perpétuelle des âmes. Les maladies générées par les eaux putrides, les puits et les sources empoisonnés comme la circulation des miasmes de la peste ou autres fléaux d’origine hydrique constituent aussi une frontière fragile lorsque vivre et mourir entre fleuve et mer devient alors un combat de chaque instant.
Géraldine Mocellin
Comité scientifique – coordination éditoriale
Sylvain Demarthe, maître de conférences en histoire de l’art du Moyen Âge – Université Montpellier 3, commissaire associé (S.D.)
Géraldine Mocellin, attachée principale de conservation du patrimoine, directrice du musée de Saint-Antoine-l’Abbaye, commissariat général (G.M.)
Nicolas Reveyron, professeur émérite d’histoire de l’art et d’archéologie du Moyen Âge – Université Lyon 2 , commissaire associé (N.R.)
Régie des œuvres - suivi administratif et éditorial
Antoine Ferrouillat, assistant de conservation – musée de Saint-Antoine-l’Abbaye
Autour de l'exposition
Les événements de l'agenda
Du 6Sep 2026 4oct 2026
En savoir plus[Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye] Visite guidée de l'exposition Entre fleuve et mer. Une histoire médiévale
Visite guidée et/ou commentéeMusée de Saint-Antoine-l'AbbayeLe 4Juil 2026
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[Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye] Les Rendez-vous aux jardins - L'eau au Moyen-Âge, entre mythe et réalité, avec Jean-François Vassal et Valérie Michel, ILC-La Cité.
Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye
Lieu
Le Noviciat 38160 Saint-Antoine-l'Abbaye