XVIIè siècle, genèse du domaine sous Lesdiguières
Au début du XVIIe siècle, le duc de Lesdiguières fait remplacer la forteresse locale en y substituant une résidence de prestige.
Du château au palais
Le 28 juin 1593, François de Bonne, Seigneur des Diguières ou de Lesdiguières, conseiller du roi en son conseil privé et d'Etat, capitaine de cent hommes d'armes et ses ordonnances, commandant en chef de l'armée de Piémont et Savoie, acquit aux commissaires préposés à l'aliénation du domaine royal, "la châtellenie, mistralie et juridiction de Vizille", pour la somme de deux mille écus d'or. Il avait sans doute compris le rôle stratégique du lieu qui lui permettrait de contrôler la route des Alpes, celle d'Uriage et l'une des étapes incontournables vers la cité grenobloise. Ce n'est probablement pas l'existence du château médiéval complètement ruiné qui incite Lesdiguières à convoiter les terres de Vizille. Par ailleurs les plaines du pays semblent à l'époque bien peu appropriées à la construction d'une demeure de villégiature. Les terres marécageuses et inhospitalières sont en effet exposées aux crues subites et dévastatrices de la Romanche. Lesdiguières saura pourtant tirer parti de ces contraintes et les tourner en atouts avantageux.
Entre 1594 et 1604, Lesdiguières acheta plusieurs propriétés mitoyennes du château du Roi ainsi que leurs dépendances. En 1607, ayant déjà effectué d'importants travaux de construction et d'aménagement, Lesdiguières sollicite le roi afin que la jouissance des terres de Vizille lui soit définitivement abandonnée en contrepartie de terres de valeurs identiques. En attendant de trouver des terres à proposer en contrepartie, Lesdiguières devait verser au trésor royal la valeur du revenu de Vizille. Le 17 août 1611, Lesdiguières cède au roi ses terres de la Tour-du-Pin, Quinsonnas, Châteauvilain, les rentes venues de M. de Serrières, la terre d'Eclose, la maison forte de Palchaudière et ses dépendances (acquises en 1610). Le roi cède alors au maréchal les terres de Vizille et celles de la châtellenie du Champsaur.
Lesdiguières n'avait pas attendu le transfert de propriété accordé par le roi pour entreprendre d'importants travaux de restauration, de construction et d'embellissement du château et du domaine. Il semble en effet que le château d'origine était inhabitable. Le 30 octobre 1593 la visite du maître-maçon nous révèle que le Château du Roi et son enceinte sont entièrement ruinés et démolis. Il ne restait que les fondements et une partie des murailles du "vingtain", enceinte reliant le château au rocher.
Un vocabulaire architectural militaire
Lesdiguières lance une importante campagne de travaux favorisée par ses acquisitions aux abords du domaine royal. L'édification du château, sur les ruines de l'édifice médiéval commença sous l'autorité de l'architecte Pierre La Cuisse, qui édifia également l'hôtel Lesdiguières à Grenoble. Guillaume le Moyne, architecte du Temple Protestant de Grenoble intervient à partir de 1617 pour la construction de bâtiments annexes. Les travaux de construction s'échelonnèrent vraisemblablement de 1600 à 1619. La configuration étonnante du château est en partie due à son implantation sur les ruines de l'édifice médiéval sur les flancs du verrou rocheux de Vizille. Sa position dominante sur les pentes du rocher, son vocabulaire architectural emprunté aux styles médiéval et Renaissance donnent un caractère presque militaire à l'édifice. Lesdiguières est avant tout un homme de guerre qui gouverne une province exposée à de nombreux conflits. Son sens pratique militaire transparaît à tous les niveaux : aménagement du territoire, architecture, exploitation des ressources, relations politiques et militaires, stratégies géopolitiques, conquêtes...
Il fait d'ailleurs produire au sein de son Domaine de Vizille les armes nécessaires à ses campagnes. « En 1614, une quittance mentionne la fabrication de canons de mousquets dans les martinets du Connétable »