UN OBJET UNE HISTOIRE
Les collections se dévoilent et à travers elles l’histoire du site abbatial et de son bourg. Soyez curieux !
Jean Coppin, chanoine régulier de Saint-Antoine, officie en sa qualité de technicien horticole et de paysagiste lorsqu’il réalise cette Vue de l’Abbaye en 1745. Adoptant une démarche d'ornemaniste, cette représentation s’inscrit dans les courants stylistiques de son époque. Le support de papier fragile ne peut suggérer une présentation permanente, mais plutôt une étude occasionnelle à l'image d'un plan que l'on déploie.
Au-delà d’une reproduction fidèle à un plan « nouveau », le dessin aquarellé est une glorification des plaisirs champêtres. Les éléments naturalistes sont renforcés par des enroulements de feuillages, d’acanthes, de guirlandes de fleurs, de palmettes et de coquillages. L’architecture n’est pas exclusive, elle s’inscrit dans un cadre élargi au sein duquel les jardins, les allées et les bosquets ne sont plus indissociables.
Interprétation fantaisiste ou retranscription rigoureuse, ce dessin « selon le nouveau plan » est à replacer dans le contexte bien réel de restructuration de l’abbaye initiée dès le XVIIe siècle.
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Le corps et ses composantes sont souvent utilisés comme référentiels pour la confection d’objets votifs et propitiatoires, pratique dont l’origine remonte à l'Antiquité.
Utilisés préventivement afin de se prémunir d'une maladie ou a posteriori en remerciement d'une guérison, ils sont de terre cuite, de bois ou de cire, de plomb ou d'argent.
Leur forme est dans la plupart des cas anatomique et renseigne sur les diverses pathologies.
Au VIe siècle, le Concile d'Auxerre décide d'interdire cette pratique jugée trop idolâtre. Vaine tentative, car la production et la diffusion de ces offrandes s'accentuent comme pour mieux matérialiser la prière et l'attente du miracle auprès des saints guérisseurs et intercesseurs.
Les figurations humaines sont les plus courantes. Bras, jambes, mains ou pieds, corps entier , silhouettes emmaillotées représentatives d'une mort prématurée, sont façonnés dans de plus ou moins fines plaques de métal. Présentes dans tous les lieux de culte malgré l'assimilation à des réminiscences païennes, elles sont déposées sur les autels ou suspendues aux portes des églises détentrices de reliques.
D'un réalisme parfois exacerbé, l'expression anatomique est révélatrice d'un souhait d'approche thérapeutique.
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Le saint ermite suit ici le canon iconographique traditionnel particulièrement répandu à l’ouest de l’Europe attestant de son statut d’anachorète et de sa longévité (saint Antoine aurait vécu 105 ans). Son attitude hiératique contraste avec les figurations plus populaires (saint accompagné de son cochon, arborant chapelet et flammes du mal des Ardents). Les attributs sont ici au nombre de deux : le bâton en forme de Tau évoque la croix originelle, en forme de potence. Le tau symbolise la pénitence, le dépouillement de soi au service de Dieu et des hommes ; le livre fait référence à la Bible, perçue alors comme la source de toute connaissance.
La provenance de cette sculpture - France de l’Ouest - témoigne d’un attachement certain de cette région aux saints thaumaturges associés très souvent au pèlerinage jacquaire. Saint Antoine y jouit d’une belle popularité due notamment à l’implantation de dépendances de l’ordre des hospitaliers de Saint-Antoine situées entre le chemin de Saint-Guilhem et la Via Podiensis. Millau (Aveyron) fait partie d’un maillage territorial antonin situé le long des principales voies de pèlerinage.
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Ce type de coffret compartimenté et destiné à abriter la pharmacopée de voyage, aussi appelé pharmacie portative, apparaît au XVIIe siècle adoptant les formes et la fonctionnalité des cabinets, meubles particulièrement prisés. Par leur ouverture articulée en façade et en partie haute, dotées de volets montés sur charnières et de serrures ouvragées, ces petites pharmacies dévoilent onze flacons en verre surmontés de bouchons en étain et quatre fioles également en étain destinés aux compositions pharmaceutiques. Les tiroirs servent à ranger les ustensiles de l’apothicaire. Par la finesse de leur décor héraldique (ici l’aigle bicéphale couronné) déployé dans un semis de rinceaux, elles témoignent aussi bien de la préciosité du contenu que du raffinement du contenant.
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Les parcellaires de Saint-Antoine datés de 1584 et de 1593 sont des témoignages précieux sur l’organisation spatiale du bourg et de l’abbaye.
Centre actif sur le plan économique, artistique et politique, le bourg de Saint-Antoine est avant tout un lieu de rencontres et d’échanges. Le regroupement de la population, selon sa spécificité propre, est souvent lié à une volonté de contrôle par secteur d’activités.
Cette pratique n'est cependant pas systématique car au XVe siècleau XVe siècle au XVe siècle, plusieurs professions se partagent une rue, une place sans distinction particulière. Le Bourg est constitué de trois secteurs clairement définis : le Faubourg ou Bourg primitif du château au confluent de deux cours d’eau, le Lyotan et le Furan ; le bourg Haut englobant la Grande rue, les ruelles et goulets adjacents ; le bourg Bas concentré principalement, jusque dans la première moitié du XVIe siècle, sur la rue du Milieu et la place du Marché, puis étoffé par la suite d’habitations le long d’une artère dénommée rue Basse .
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L’abbé Antoine Tolosain est présenté dans son cabinet de travail devant une bibliothèque mise en scène par un rideau qui en dévoile le contenu. Il est vêtu du traditionnel camail noir frappé du Tau azur (insigne de l’ordre) porté sur le surplis. La mitre et la crosse (insignes octroyés à l’ordre) prennent place au premier plan aux côtés d’ouvrages dont l’un est ouvert ostensiblement à l’adresse du spectateur.
Il est a à noter la présence du titre L'Adresse du salut éternel et antidote de la corruption qui règne en ce siècle... édité en 1612 , œuvre d’Antoine Tolosain.
Prédicateur, instigateur incontesté de la réforme de l’ordre, bâtisseur à l’origine de la renaissance de l’Abbaye, Antoine Tolosain apparait ici sans doute en pleine rédaction de l’un des traités de morale chrétienne qui firent sa renommée. Le crucifix présent à ses côtés accentue le caractère solennel et sa disposition d’esprit tout comme sa grande dévotion.
Des éléments biographiques nous sont parvenus grâce d’une part aux témoignages du notaire royal Eustache Piémont dont les Mémoires constituent une source documentaire précieuse durant les guerres de Religion ; une biographie a d’autre part été composée en 1645 par Jean de Loyac Le Bon prélat ou discours de la vie et de la mort du RP en Dieu, messire Anthoine de Tholosany, abbé et supérieur général.
Antoine Tolosain demeure l’un des abbés les plus importants de l’ordre pour la période moderne. Prédicateur, à l’origine de la réforme de l’ordre aux lendemains des guerres de Religion , il est élu en 1597. Jean de Loyac relate cet événement en ces termes : « une foule immense accourue des pays voisins remplissait la basilique : au moment où l’on annonça le résultat des votes, d’unanimes acclamations retentirent sous les voûtes sacrées… ».
Né à Toulouse, ancien élève des Jésuites de Pont-à-Mousson, le nouveau chef spirituel de l’ordre est connu pour ses prédications nombreuses ; sa nomination comme vicaire général par l’archevêque de Vienne Pierre de Villars conforte sa position au sein de l’ordre. Homme décrit comme « charitable » , « saint religieux » « voué au sacerdoce » par ses biographes, Antoine Tolosain travaille dès les premières années à la réforme de l’institut et entreprend d’importants travaux en l’Abbaye.
Les hôpitaux sont remis en état ; en 1599, le clocher incendié est rénové, doté d’une horloge et de cloches commandées en 1600 à « Jehan Poisson et Michel de Pain, fondeurs du pays de Lorraine ». Dès 1604, la restauration entière du « gros mur » est suivie de travaux d’embellissement divers dans et autour de l’église abbatiale. En 1605, les baies de la galerie supérieure sont confiées à « Maistre Gabriel Frenous, tailleur en pierre, habitant de Romans » (des éléments subsistent dans la chapelle Notre-Dame de Consolation) , les « ferrements nécessaires pour toutes les vitres de la ditte église » à F.Chapot.Instigateur de la renaissance de l’abbaye, Antoine Tolosain meurt le 12 juillet 1615 sans avoirconduit la réforme à son terme. Cette tâche sera confiée à Pierre Sanejean, commandeur de Gap en 1599, maître des novices et à Antoine Brunel de Grammont futur abbé général de l’ordre.
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Parmi les pots à pharmacie, la bouteille, la chevrette et l’albarello sont les plus répandus. Ce grand albarello à l’inscription S.ROS RUB dans un phylactère pouvait contenir une substance à base de rose, rappelant que les végétaux servent aussi à la réalisation d'emplâtres et de robs dont le rôle occlusif est apprécié des chirurgiens dans le traitement des ulcères et des plaies. Le décor dit a compendiario met en valeur l’émail blanc avec ses rehauts de bleu, de brun et de jaune. L’emblème de l’ordre des Franciscains dans un écu surmonté d’une couronne et d’un visage de putto ailé peut être rapproché des emblèmes existants sur des pots à pharmacie similaires provenant des apothicaireries antonines (emblème de l’ordre, le Tau, parfois couronné de l’aigle bicéphale).
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Ce très bel exemplaire est doté d’une monture à pans et balustre et d’une poignée en ébène sculptée de feuilles de laurier. Elle rappelle le rôle majeur exercé par les chirurgiens au service de l’ordre. Les amputations à la scie sont courantes. L'usage d'onguents à base de poix et d'ortie permet de réactiver la circulation. Dans le cas de gangrènes sèches, le risque d'hémorragie est peu probable. Les cautères font partie intégrante de l'opération chirurgicale même si Ambroise Paré alors au service des hospitaliers de Saint-Antoine préconise la ligature des vaisseaux pour pallier toute complication infectieuse.
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L’épisode représenté ici préfigure la victoire de Constantin : l’instant crucial de la bataille se soldant par la mort de Maxence, s’effondrant dans les eaux du Tibre. Constantin à cheval apparaît dans la composition centrale du tableau, brandissant sa lance en direction de Maxence : le combat fut d’une violence inouïe, rendue ici par l’enchevêtrement des corps et l’expression des personnages.
Au XVIIème siècle, les religieux antonins commandèrent une copie de la Bataille de Constantin pour orner l’un des Salons du chapitre situés entre la Maison abbatiale et le Noviciat, ainsi décrit dans l’Histoire de l’établissement de l’Ordre de Saint-Antoine en 1705 : « A ce corps de logis (noviciat) qui est à trois étages sont joints les Salons du chapitre général et quelques appartements à alcôves...tout est boisé et orné de peintures entre autres une excellente Bataille de Constantin contre le tyran Maxence du dessin de Raphaël et peint à fresque par Jules Romain dans une des salles du Vatican ; cette copie a dix-huit pieds de longueur... »
Au milieu du XVIIIème siècle, le tableau fut installé dans le Salon d’apparat du Bâtiment des Etrangers, aux portes de l’Abbaye. Le décor ainsi que l’aménagement du Salon furent décidés en fonction de la thématique. Les trophées guerriers, directement inspirés de ceux figurés sur la toile, renforcent le caractère martial de la scène.
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Etienne Galland rejoint l'ordre des hospitaliers de Saint-Antoine le 24 février 1706, avant d'être appelé à Saint-Antoine en 1720.
Dès 1732, il connaît une ascension fulgurante aux côtés de l'abbé Nicolas Gasparini, dont il devient l'un des principaux conseillers, affirmant dès lors sa forte personnalité lorsqu’il décide des travaux d'aménagement et d'embellissement des dépendances ou des bâtiments conventuels de l’abbaye. Après la démission de l’abbé Nicolas Gasparini, Etienne Galland est élu abbé général le 11 juillet 1747.
Ce portrait est celui d’un amateur éclairé, richement vêtu, assis devant une bibliothèque dans son cabinet de travail et rappelle que l’abbé rassemble, dès 1752, au sein d'un Cabinet de curiosités, les collections d'antiques, d'histoire naturelle ou d'astronomie de l'abbaye, auquel il adjoint une bibliothèque. La dédicace qui précède l'inventaire des collections numismatiques révèle un abbé esthète, "embrasé d'amour pour les belles-lettres vous avez, à grands frais et avec une application et un soin plus grands encore, rassemblé dans cette abbaye tout ce qui est susceptible d'éclairer les esprits et surtout de favoriser l'intérêt pour l'Antiquité".
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Cette tapisserie fait partie d’un semble de dix pièces constituant la tenture ayant pour sujet l’histoire de Joseph citée dans la Genèse et dont 8 pièces sont aujourd’hui conservées dans les réserves du musée en attendant une présentation future. Cette tenture fut commandée en 1623 à Leonard de Vialleys, licier aubussonnais par le chapitre conventuel de l’Abbaye et livrée la même année.
Cette sixième pièce illustre l’épisode de Joseph en prison interprétant les songes du chef des échansons et du panetier du roi d’Egypte emprisonnés à ses côtés. Les personnages aux contours soulignés par un cerne brun portent d’amples vêtements aux plis matérialisés par un jeu de hachures qui confèrent à l’ensemble un certain mouvement. Les paysages figurés sur les autres pièces de cette suite, les bordures de fruits et de fleurs alternés tout comme les coloris employés, ne sont pas sans évoquer, par la simplification du traitement, les ateliers des Pays-Bas méridionaux du XVIe siècle.
Le choix du sujet traité, proche par le message délivré mais éloigné à la fois de l’histoire de saint Antoine à qui est dédié le sanctuaire, ne permet pas de déterminer la destination de cette tenture : tenture de stalles ou plus vraisemblablement tenture ornementale pour les salles du chapitre, l’ensemble demeure l’un des rares suites de la première moitié du XVIIe siècle d’origine aubussonnaise.