Au sein d’un espace français en pleine construction entre le Moyen Âge et le XIXe siècle, les régions situées entre Alpes et Rhône sont longtemps restées périphériques. Le Dauphiné n’est rattaché à la France qu’en 1349, la Provence en 1481, les États pontificaux en 1791, Nice et la Savoie en 1860. Dans cette multitude de territoires indépendants, les princes accordent leur protection à certains types de populations, parmi lesquelles les Juifs, non par esprit de tolérance, mais plutôt par opportunisme économique. En effet, aux Juifs sont laissées des activités dégradantes comme le prêt d’argent, interdit aux chrétiens. C’est pourquoi, alors qu’ils sont expulsés par les rois de France entre 1182 et 1306, le dauphin, le comte de Provence, le duc de Savoie et même le pape les accueillent, conscients du dynamisme qu’ils vont impulser à leur région.
Tolérés, les Juifs n’en sont pas pour autant intégrés. Reclus dans des quartiers fermés qu’on nommerait aujourd’hui des ghettos, stigmatisés, mais en même temps jalousés pour une prétendue richesse, ils sont très régulièrement victimes de massacres.
Malgré la loi de 1791 qui leur reconnaît enfin le statut de citoyens de plein droit, l’antisémitisme perdure. À la méfiance populaire s’ajoute, durant la Seconde Guerre mondiale, une violence d’État mise en oeuvre par le régime de Vichy. La région entre Alpes et Rhône, qui échappe un temps aux persécutions contre les Juifs et permet une nouvelle fois dans l’histoire de leur offrir un refuge, connaît elle aussi de grandes rafles qui touchent même les enfants.
L’antisémitisme n’a pas aujourd’hui disparu, il couve et resurgit de manière sporadique. La profanation des tombes à Carpentras en 1990 montre que les logiques de haine sont toujours prêtes à réapparaître, parfois en résonance avec l’actualité géopolitique internationale.

L’auteure
Professeure agrégée d’histoire et géographie, Claude Héraudet enseigne au lycée international de Grenoble. Elle a aussi été chargée de cours d’histoire politique contemporaine à l’Institut de géographie et d’urbanisme de Grenoble et assuré le poste de professeure relais au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère pour rendre accessible les questions mémorielles aux jeunes générations.